Archives de Catégorie: Documentaire

95,2 milliards d’euros

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Lucile PEYTAVIN : Le coût de la virilité (Anne Carrière, 2021)

« En France, les hommes sont responsables de l’écrasante majorité des comportements asociaux : ils représentent 84 % des auteurs d’accidents de la route mortels, 92 % des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes au collège, 90% des personnes condamnées par la justice, 86 % des mis en cause pour meurtre, 97 % des auteurs de violences sexuelles, etc.

La liste semble inépuisable. Elle a surtout un coût. Un coût direct pour l’État, qui dépense chaque année des milliards d’euros en services de police, judiciaires, médicaux et éducatifs pour y faire face. Et un coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances physiques et psychologiques des victimes, et subit des pertes de productivité et des destructions de biens. Pourtant, cette réalité est presque toujours passée sous silence.

Lucile Peytavin, historienne et membre du Laboratoire de l’égalité, s’interroge sur les raisons de cette surreprésentation des hommes comme principaux auteurs des violences et des comportements à risque, et tente d’estimer le coût financier de l’ensemble de ces préjudices pour l’État et donc pour chaque citoyen.ne. Quel est le coût, en France, en 2020, des conséquences de la virilité érigée en idéologie culturelle dominante ? L’autrice nous pose la question : n’aurions-nous pas tous intérêts à nous comporter… comme les femmes ?! » (cf. 4ème de couverture)

Un livre de rentrée, pas très fun, mais indispensable.

Lucile PEYTAVIN a tenté de chiffrer le coût des comportements violents, dangereux et asociaux induits par une éducation des garçons valorisant à outrance la « virilité » alors que, parallèlement il faut « des moyens colossaux pour enrayer ses effets négatifs« .

Elle commence par déconstruire les mythes qui depuis des siècles justifient les inégalités entre les hommes et les femmes.

Puis elle explique comment, même inconsciemment, l’éducation est différenciée selon le sexe des enfants et ce, dès la naissance, « acculturant » à la violence les garçons dès leur plus jeune âge par le biais de la « virilité ». Et de la même manière que Simone de Beauvoir écrivait « On ne nait pas femme : on le devient. », Lucile Peytavin peut dire : « On ne nait pas homme violent, on le devient. »

L’adolescence est un autre moment déterminant de l’initiation à la virilité. « (…) il faut être dur, tapageur, rebelle, proférer des insultes, parler grossièrement, être brutal. Le vocabulaire obsessionnel – « putain », « pute », « fils de pute », « enculé », « pédé » – prononcé à l’encontre des siens définit les vrais hommes en dénigrant les femmes et les « faibles ». Tout comme les insultes, des coups plus ou moins forts sont régulièrement assenés « pour rire ». Les adolescents font ainsi l’apprentissage de la résistance à la douleur physique et psychologique. L’escalade de la violence pour un regard, un accrochage, une insulte visant la mère ou la soeur, une mésentente avec une copine, est rapidement franchie. La réponse à l’agression réelle ou supposée va de l’injure au meurtre, pour les cas les plus extrêmes. (…) Presque aucun garçon n’y échappe. Ils concernent tous les milieux sociaux à l’insu des parents. »

A cette violence verbale et physique s’ajoute la prise de risque, alcool, drogue, infractions de la route, etc.

L’école joue également un rôle. « Aux yeux des élèves – et de la société -, les comportements transgressifs à l’école sont donc parfois valorisés au détriment de l’apprentissage et du savoir. Tous ces mécanismes, à la fois individuels et collectifs, font que les conséquences de l’assimilation de la violence par les garçons sont déjà dramatiquement visibles au collège. En voulant lutter contre les comportements asociaux des garçons, l’école les renforce à travers son système répressif contre-productif, sa non-prise en compte de l’injonction à la virilité et par la reproduction des stéréotypes véhiculés par les encadrants. »

Idem pour le sport. « En France, l’Etat est le premier financeur de ces pratiques viriles, productrices également de sexisme et d’homophobie, puisque les sports dits « masculins » bénéficient de près de 75% des budgets publics destinés aux loisirs des jeunes. » Et l’état d’esprit entretenu ainsi que le vocabulaire utilisé sont ceux des champs de bataille.

Et puisqu’on parle de guerre, « En 2016, une étude de l’université de Canterbury portant sur les Lego a mis en évidence « une augmentation exponentielle de la violence » dans ces jouets : 30% des coffrets contiennent désormais une arme factice, AK 47, couteaux, grenades, etc. »

Bref, les garçons « doivent » être forts, dominer et prendre le pouvoir sur les autres et l’environnement, au détriment de tous, femmes, enfants et hommes eux-mêmes. Car « au cours de leur vie d’adulte, les hommes sont toujours contraints d’être à la hauteur des attentes induites par la virilité. L’obligation de réussite dans les rôles qui les valorisent est contraignante : en tant qu’amant, travailleur ou « chef de famille ». Etre au bas de l’échelle sociale est alors vécu comme un véritable échec, allant jusqu’à remettre en question la légitimité de leur existence. Ainsi les hommes se suicident 3 à 4 fois plus que les femmes. Par ailleurs, les risques sont décuplés chez les jeunes homosexuels, transsexuels, ou chez les hommes âgés. »

Et tout cela coûtait 95,2 milliards d’euros à la société française en 2020.

Alors cessons d’être schizophrène et « mettons fin tous ensemble à la virilité qui pervertit, qui viole, qui bat, qui tue, qui écrase, la virilité qui ruine.

Le coût de la virilité n’est pas une fatalité.« 

Déchets or not déchets

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Anne BELOT : Déchets land. La face cachée de nos déchets (Thierry Souccar, 2021)

« Que deviennent nos déchets une fois qu’on les a jetés dans le bac vert ou le bac jaune ? Peut-on dormir sur nos deux oreilles, le devoir du trieur accompli ? Découvrez-le en lisant Déchets Land !!! Avec son crayon et une solide connaissance du domaine, Anne Belot mène une enquête pleine d’humour sur le destin de nos déchets : ceux qu’on stocke, qu’on brûle, les sauvages, les délocalisés… ou encore les « recyclables » qui finissent en fumée dans l’incinérateur !

Cette BD-documentaire menée tambour battant multiplie les révélations dérangeantes… Et au fait, à qui profite la prolifération des déchets ? On découvre que le décor de la gestion des déchets dissimule un gigantesque dépotoir qui asphyxie la planète. Gérer les déchets ne suffit plus… Seule solution : les réduire à la source ! Comment ?

Collectivement, en douceur, chacun à son rythme, en apprenant à consommer moins et mieux, en suivant les principes de la démarche zéro déchet.Toujours avec humour, Anne Belot expose les actions individuelles et collectives qui s’offrent à nous pour réussir cette transition, et, au passage, nous éclaire sur nos biais cognitifs. Afin que chacun puisse agir efficacement et sereinement.

Alors, on s’y met ? » (cf. 4ème de couverture)

Une BD extrêmement dense qui dé(cons)truit toutes nos illusions au long de ses 230 pages. Qui explique également comment novlangue, manipulation, « greenwashing » bien médiatisé, travaillent à empêcher notre cerveau de réagir avec bon sens, nous créent de faux besoins, envoient de fausses informations, nous culpabilisant au passage…

Une fois qu’Anne Belot nous a persuadés de l’illusion écologique du recyclage, elle propose des solutions, chacun à son rythme, qu’on vive en ville ou à la campagne, etc., jusqu’au « zéro déchet ».

Et même si ce stade ultime vous paraît difficile voire impossible à atteindre, prendre conscience qu’on nous berne et reprendre la main sur notre consommation en limitant au maximum le gaspillage, est un premier pas gratifiant pour notre mental, notre santé et, espérons-le, la planète !

« Blanc autour »

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Wilfrid LUPANO et Stéphane FERT : Blanc autour (Dargaud, 2020)

« 1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah.

La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l’école si la jeune Sarah reste admise.

Prudence Crandall les prend au mot et l’école devient la première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l’abolition de l’esclavage. Nassées au coeur d’une communauté ultra-hostile, quelques jeunes filles noires venues d’un peu partout pour étudier vont prendre conscience malgré elles du danger qu’elles incarnent et de la haine qu’elles suscitent dès lors qu’elles ont le culot de vouloir s’élever au-dessus de leur condition. La contre-attaque de la bonne société sera menée par le juge Judson, qui portera l’affaire devant les tribunaux du Connecticut. Prudence Crandall, accusée d’avoir violé la loi, sera emprisonnée…

La douceur du trait et des couleurs de Stéphane Fert sert à merveille ce scénario de Wilfrid Lupano (Les Vieux Fourneaux), qui s’est inspiré de faits réels pour raconter cette histoire de solidarité et de sororité du point de vue des élèves noires. » (cf. Présentation éditeur)

Serialblogueuses a présenté plusieurs fois des romans graphiques de Wilfrid Lupano qui nous avaient plu, celui-ci ne fait pas exception à la règle.

Plus dramatique que les précédents, il rapporte l’histoire vraie de la Canterbury female school de Prudence Crandall, détruite et incendiée en 1834 par une troupe d’hommes blancs, dont des notables de la ville. Pourtant tous nourris à la lecture de la Bible, mais enragés à l’idée que des jeunes filles noires ou métisses puissent accéder à la même éducation que leurs propres filles.

Une lecture nécessaire.

Jardins secrets

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Avec l’arrivée du printemps, les jardins fleurissent, celui-ci sera mon coup de coeur de la saison :

« Nous sommes en 1842, en Irlande. Depuis le décès de son fils William, naturaliste disparu en mer il y a plus de vingt ans, le comte de Bountry vit reclus. Il a consacré toutes ces dernières années à mettre à exécution les projets fous de jardins qu’il avait conçus avec son fils.
Dans ce nouveau livre de PHILIPPE MIGNON, on plonge dans l’âge d’or des débuts du naturalisme et des grandes expéditions parties à la découverte du monde. On découvre une succession d’incroyables prouesses architecturales lors de cette déambulation magique : un décor qui mélange jardin chinois, rochers d’Orient, labyrinthes, anamorphoses, jardins italien et français… inspirés de leurs périples. Le trait méticuleux et détaillé des dessins restitue l’atmosphère si particulière et enchantée de cette époque et de ses aventures !
 » (cf. présentation éditeur)

Philippe MIGNON : Le jardin secret du dernier comte de Bountry (Les Grandes Personnes, 2020)

Découvrez-le ici.

A la BFM, vous pouvez trouver d’autres ouvrages de Philippe Mignon sur les labyrinthes, les anamorphoses ou les animaux extraordinaires. Et si ces thématiques vous plaisent, empruntez aussi « L’étrange zoo de Lavardens » de Thierry DEDIEU, les livres de Max DUCOS comme « Vert secret » ou « Jeu de piste à Volubilis », les albums coréens de Jae-Hong KIM et de nombreux bestiaires fabuleux dans l’art…

Les Sioux

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Depuis quelques années, les Sioux et d’autres groupes amérindiens luttent contre l’extension d’oléoducs, risquant entre autres de polluer l’eau de leurs réserves. Ces projets avaient été suspendus par Barack Obama mais ré-autorisés par Donald Trump dès son investiture en 2017.

Mais que savons-nous de ce peuple ?

Le film documentaire réalisé en 2018 par Elizabeth Castle et Christina D.King : « Warrior women » , retrace la vie de Madonna Thunder Hawk, femme Sioux-lakota qui, à 80 ans encore, continue son combat pour les droits des autochtones, des femmes et de l’écologie.

Un roman, paru en 1988 aux éditions l’Etincelle (Montréal) et écrit par Ella Cara DELORIA : Nénuphar. Femme Sioux, fille du grand peuple Dakota d’Amérique en fait un portrait au 19ème siècle.

Ella Cara Deloria était elle-même issue d’une famille sioux-dakota, elle collabora de nombreuses années avec l’anthropologue Franz Boas et d’autres chercheurs qui se consacrèrent à l’étude et la préservation de la culture et du langage des Indiens d’Amérique du Nord. Son récit est riche de plus de vingt ans d’études sur son peuple mais se lit comme un roman passionnant, riche en rebondissements.

On ne naît pas grosse – Gabrielle Deydier

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On ne naît pas grosse – Gabrielle Deydier

Réédition du témoignage de Gabrielle, une chouette fille qui subit la grossophobie, la haine de certain-e-s, le racisme envers les gros.

J’ai été choqué de constater (encore une fois) que des personnes pouvaient avoir si peu d’humanité.

Mais alors qu’on m’explique ce qui se passe dans la tête de ces ignares pour qu’ils aient une telle attitude.

J’espère que ce petit livre entrera dans les collèges, les lycées pour lutter contre les discriminations et les humiliations.

« Ce qui gêne tant les gens, c’est mon poids : 150 kg pour 1,53 m. Après avoir été méprisée pendant des années, j’ai décidé d’écrire pour ne plus m’excuser d’exister. De là est née cette enquête journalistique dans laquelle j’affronte mes tabous et mon passé, et où je décortique le traitement que la société – professionnels adeptes de la chirurgie de l’obésité, magazines féminins, employeurs –  réservent aujourd’hui aux grosses. »  

A la Bfm

L’art dans la rue

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Encore un album sur le « street art » ? Oui, mais non…

« La ruée vers l’art : quand le street art raconte l’histoire de l’art » est une thématique intéressante proposée par Clémence SIMON (et les éditions Dada en 2018).

« Les chefs-d’œuvre ont quitté le musée et s’affichent dans les rues ! Et si le street art nous faisait voir l’histoire de l’art sous un nouveau jour ? C’est le pari de cet album destiné à toute la famille.

À chaque double page un face à face étonnant. On soulève le rabat et on découvre la confrontation avec l’œuvre originale, des clins d’œil au passé qui répondent aux démarches actuelles des street artistes.

Page après page, on revisite ainsi une vingtaine de maîtres de l’histoire de l’art tout en découvrant les grands noms du street art d’aujourd’hui.

L’auteure, Clémence Simon, est spécialisée en médiation culturelle. Collaboratrice de revues artistiques, elle conçoit également les audioguides jeune public de grands musées ! Avec elle, l’art n’a jamais paru aussi accessible… » (cf. présentation éditeur)

C’est ludique et agréable à feuilleter, quant aux commentaires de Clémence Simon, ils nous apprennent à regarder et à réfléchir sur le sens et / ou les problématiques de ces oeuvres d’époques fort différentes, en plus de nous renseigner sur les artistes.

Un album à ne pas manquer.