« En France, les hommes sont responsables de l’écrasante majorité des comportements asociaux : ils représentent 84 % des auteurs d’accidents de la route mortels, 92 % des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes au collège, 90% des personnes condamnées par la justice, 86 % des mis en cause pour meurtre, 97 % des auteurs de violences sexuelles, etc.
La liste semble inépuisable. Elle a surtout un coût. Un coût direct pour l’État, qui dépense chaque année des milliards d’euros en services de police, judiciaires, médicaux et éducatifs pour y faire face. Et un coût indirect pour la société, qui doit répondre aux souffrances physiques et psychologiques des victimes, et subit des pertes de productivité et des destructions de biens. Pourtant, cette réalité est presque toujours passée sous silence.
Lucile Peytavin, historienne et membre du Laboratoire de l’égalité, s’interroge sur les raisons de cette surreprésentation des hommes comme principaux auteurs des violences et des comportements à risque, et tente d’estimer le coût financier de l’ensemble de ces préjudices pour l’État et donc pour chaque citoyen.ne. Quel est le coût, en France, en 2020, des conséquences de la virilité érigée en idéologie culturelle dominante ? L’autrice nous pose la question : n’aurions-nous pas tous intérêts à nous comporter… comme les femmes ?! » (cf. 4ème de couverture)
Un livre de rentrée, pas très fun, mais indispensable.
Lucile PEYTAVIN a tenté de chiffrer le coût des comportements violents, dangereux et asociaux induits par une éducation des garçons valorisant à outrance la « virilité » alors que, parallèlement il faut « des moyens colossaux pour enrayer ses effets négatifs« .
Elle commence par déconstruire les mythes qui depuis des siècles justifient les inégalités entre les hommes et les femmes.
Puis elle explique comment, même inconsciemment, l’éducation est différenciée selon le sexe des enfants et ce, dès la naissance, « acculturant » à la violence les garçons dès leur plus jeune âge par le biais de la « virilité ». Et de la même manière que Simone de Beauvoir écrivait « On ne nait pas femme : on le devient. », Lucile Peytavin peut dire : « On ne nait pas homme violent, on le devient. »
L’adolescence est un autre moment déterminant de l’initiation à la virilité. « (…) il faut être dur, tapageur, rebelle, proférer des insultes, parler grossièrement, être brutal. Le vocabulaire obsessionnel – « putain », « pute », « fils de pute », « enculé », « pédé » – prononcé à l’encontre des siens définit les vrais hommes en dénigrant les femmes et les « faibles ». Tout comme les insultes, des coups plus ou moins forts sont régulièrement assenés « pour rire ». Les adolescents font ainsi l’apprentissage de la résistance à la douleur physique et psychologique. L’escalade de la violence pour un regard, un accrochage, une insulte visant la mère ou la soeur, une mésentente avec une copine, est rapidement franchie. La réponse à l’agression réelle ou supposée va de l’injure au meurtre, pour les cas les plus extrêmes. (…) Presque aucun garçon n’y échappe. Ils concernent tous les milieux sociaux à l’insu des parents. »
A cette violence verbale et physique s’ajoute la prise de risque, alcool, drogue, infractions de la route, etc.
L’école joue également un rôle. « Aux yeux des élèves – et de la société -, les comportements transgressifs à l’école sont donc parfois valorisés au détriment de l’apprentissage et du savoir. Tous ces mécanismes, à la fois individuels et collectifs, font que les conséquences de l’assimilation de la violence par les garçons sont déjà dramatiquement visibles au collège. En voulant lutter contre les comportements asociaux des garçons, l’école les renforce à travers son système répressif contre-productif, sa non-prise en compte de l’injonction à la virilité et par la reproduction des stéréotypes véhiculés par les encadrants. »
Idem pour le sport. « En France, l’Etat est le premier financeur de ces pratiques viriles, productrices également de sexisme et d’homophobie, puisque les sports dits « masculins » bénéficient de près de 75% des budgets publics destinés aux loisirs des jeunes. » Et l’état d’esprit entretenu ainsi que le vocabulaire utilisé sont ceux des champs de bataille.
Et puisqu’on parle de guerre, « En 2016, une étude de l’université de Canterbury portant sur les Lego a mis en évidence « une augmentation exponentielle de la violence » dans ces jouets : 30% des coffrets contiennent désormais une arme factice, AK 47, couteaux, grenades, etc. »
Bref, les garçons « doivent » être forts, dominer et prendre le pouvoir sur les autres et l’environnement, au détriment de tous, femmes, enfants et hommes eux-mêmes. Car « au cours de leur vie d’adulte, les hommes sont toujours contraints d’être à la hauteur des attentes induites par la virilité. L’obligation de réussite dans les rôles qui les valorisent est contraignante : en tant qu’amant, travailleur ou « chef de famille ». Etre au bas de l’échelle sociale est alors vécu comme un véritable échec, allant jusqu’à remettre en question la légitimité de leur existence. Ainsi les hommes se suicident 3 à 4 fois plus que les femmes. Par ailleurs, les risques sont décuplés chez les jeunes homosexuels, transsexuels, ou chez les hommes âgés. »
Et tout cela coûtait 95,2 milliards d’euros à la société française en 2020.
Alors cessons d’être schizophrène et « mettons fin tous ensemble à la virilité qui pervertit, qui viole, qui bat, qui tue, qui écrase, la virilité qui ruine.
Le coût de la virilité n’est pas une fatalité.«